Et si on habitait dans des conteneurs ?


Article publié dans Rue89

On les appelle les « Derniers voyages »… Ils mesurent 6, 12 ou 42 m de long et 2,50 m de haut et de large. Après quinze ans de bons et loyaux services, ils échouent dans des ports, sont stockés à vide dans des hangars ou abandonnés dans des décharges sans lendemain. Les conteneurs maritimes en fin de vie sont un véritable casse-tête pour l’environnement. Sauf… s’ils se métamorphosent en habitats et peuvent servir de garages, de bureaux ou même, de logements !

On les appelle les « Derniers voyages »… Ils mesurent 6, 12 ou 42 m de long et 2,50 m de haut et de large. Après quinze ans de bons et loyaux services, ils échouent dans des ports, sont stockés à vide dans des hangars ou abandonnés dans des décharges sans lendemain. Les conteneurs maritimes en fin de vie sont un véritable casse-tête pour l’environnement. Sauf… s’ils se métamorphosent en habitats et peuvent servir de garages, de bureaux ou même, de logements !

L’idée

Résistants, étanches, ignifuges, modulaires et autoportants, les conteneurs résistent aussi à la corrosion et aux tensions. Et leur taille standardisée permet de les empiler facilement. Si on leur ajoute revêtements, menuiseries et isolation, le caisson métallique (99% en acier Corten) devient un bâtiment comme les autres. Enfin presque…

En l’an 2000, une architecte française défraie la chronique à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Françoise Raynaud édifie, à partir de conteneurs et en un temps record, la base de travail du Défi français, l’équipe de voile en lice dans la Coupe Louis-Vuitton, préliminaire à la Coupe de l’America. Les bureaux accueillent jusqu’à 90 personnes. A la tête de l’agence Loci Anima à Paris, elle revient sur son choix :

« Deux idées ont sous-tendu cette approche : économie de moyens et construction à l’autre bout du monde. Tout le matériel arrivait de France par bateau, dans des conteneurs. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de les utiliser pour la base. »

Pierre Mas, à l’époque directeur sportif du Défi, se souvient :

« Le bâtiment a été monté en cinq semaines et nous aura coûté en tout, transport compris, 500 euros le mètre carré ! »

Depuis, l’idée est devenue tendance, en Allemagne, en Italie, au Danemark, au Canada, au Nigeria, au Soudan, au Tadjikistan… Mais pas seulement.

Comment la mettre en pratique

En 2001, les premiers « container home kit (CHK) » à usage d’habitation étaient installés, en quelques mois, à Londres, près des docks. Aujourd’hui, Container City compte 60 appartements et/ou ateliers (pour 123 conteneurs), tous occupés par des artistes.

En 2004, aux Pays-Bas, pour répondre à une forte pénurie de logements estudiantins, la mairie opte pour une cité universitaire « en boîte » de 1 500 places, à Bijlmermeer, dans le sud d’Amsterdam.

En France, c’est en 2006 que l’architecte Catherine Rannou propose le premier assemblage CHK :

« Une maison en conteneurs ne se légitime que s’il s’agit de recyclage et de choix personnel. J’ai répondu à la demande d’un couple, qui avait un petit budget et qui souhaitait auto-construire, à partir de la réflexion que j’apportais. »

Le prix d’un container d’occasion de 12 m oscille entre 1 600 et 3 000 euros (HT). Et il faut compter entre 500 et 1 000 euros du m² pour son aménagement, en fonction de vos exigences, des matériaux et de celui qui s’en occupe (vous-même ou une entreprise spécialisée)… Une fois le permis de construire obtenu, la durée des travaux est estimée à six mois : découpage de la structure, raccordement, enduits…

Dans l’ouvrage « Habiter un container : Un mod(ul)e au service de l’architecture » (éd. Ouest France, 2011), Rafaël Magrou explique cet engouement :

« C’est dans un contexte de crise, de mal-logement et de recherches alternatives pour se loger que le container a fait surface. »

Des conteneurs (Newden design)

C’est ainsi qu’à la rentrée 2010, la cité U A’Docks, toute de conteneurs vêtue, ouvrait ses portes au Havre, soit 100 studios de 24 m². Eric Clairefond, responsable de l’agence Newden Design (spécialisée dans le modulaire innovant), avait remporté le marché :

« A l’époque, il manquait 800 000 hébergements étudiants en France. Notre fierté, c’est d’avoir livré autant de logements en cinq mois, avec un chantier très propre. »

Une aubaine aussi pour Titouan Hervet, étudiant en licence professionnelle de communication :

« Je paie 310 euros par mois, j’ai une chambre lumineuse, une salle de bain et une kitchenette indépendantes, ce n’est pas du tout bruyant et c’est isolé, comme un vrai appartement. C’est top ! »

Bâtir avec des conteneurs (tous aux normes ISO) est moins polluant, les fondations en béton sont minimes, l’utilisation de bois est inférieure de 70% et les déchets de chantier sont considérablement diminués.

Ce qu’il reste à faire

En revanche, le coût peut également être onéreux. Au Havre, finalement, les conteneurs utilisés n’étaient pas des « Derniers voyages », pour des raisons de sécurité, mais des caissons tous neufs, fabriqués en Chine. Et leur agencement s’est également révélé plus cher que prévu. L’expérience n’a, pour le moment, pas été retentée. Pour Eric Clairefond, l’explication est propre à la France :

« Il y a ici trop de contraintes liées au corpus réglementaire, qui empêchent que le modèle se développe : interdiction d’empiler les conteneurs, normes de sécurité très contraignantes, manque de foncier. Quand on pense qu’il y a 3 millions de mal logés en France, on se demande où sont les priorités. »

Un avis que partage Françoise Raynaud :

« Le conteneur serait une vraie réponse à l’habitat d’urgence. C’est un lieu sécurisant, beaucoup plus qu’une tente ! »

Mais lorsque les entreprises démarchent les associations de soutien aux sans-abri, la réponse qui leur parvient est souvent négative. « Habiter un conteneur » serait trop stigmatisant. La société ne semble pas complètement prête pour cette « maison solution ». Pour l’instant ?

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