La révolution 2.0 n’épargne personne. Et surtout pas les seniors, contrairement aux idées reçues. Article publié sur le site d’Acceo.
Déconnectés les seniors ? Faux, répond le sociologue Serge Guerin. Ceux qui le pensent véhiculent une vision dépassée, datant des années 90. Les seniors sont beaucoup plus connectés que nous le pensons. « Aujourd’hui, nous ne constatons pas de différence en terme de taux d’utilisation ou de taux d’équipement entre une personne de 80 ans, une personne de 60 ans, une personne de 40 ans, ou bien une personne plus jeune. Il y a des différences bien-sûr qui s’expliquent par des facteurs sociaux, géographiques, économiques ainsi que des différences d’usages ou de temps passé mais l’âge n’est absolument pas un facteur d’explication dans l’accès ou non au numérique. C’est une idée qu’il faut se sortir de la tête, une idée éculée » explique le sociologue.
Pour ce spécialiste des seniors, nous assistons à une véritable « révolution » du vieillissement. « Il y a un siècle, l’espérance de vie était de 46 ans, aujourd’hui, elle est de plus de 82 ans, c’est une révolution sociale, sociétale, une révolution de l’écologie mentale, pour penser autrement les autres, l’activité, le temps. Avoir 60 ans en 2013, ce n’est plus du tout la même chose que d’avoir 60 ans en 1950. A 60 ans, en 1950, on était marqué par l’âge, avec le sentiment d’avoir peu d’années devant soi, alors qu’en 2013, ce serait plutôt le début d’une autre vie, avec facilement une trentaine d’années à en profiter ».
Cette nouvelle donne, associée à celle du web 2.0, permet aujourd’hui de nouveaux usages numériques, de nouveaux liens entre les générations. C’est en fait un formidable levier pour changer la société et la faire évoluer.
L’envie et non pas l’âge des artères
Ce qui fait la différence entre les seniors, comme finalement pour chacun d’entre-nous, c’est son désir : celui d’être moins isolé, de mieux vivre son âge, de faciliter ses démarches. Il y a toujours ceux qui ne s’y mettront jamais, ou bien qui conserveront leur précieux agenda de moleskine, continueront à envoyer des vraies cartes postales et lieront le journal version papier. Mais la tendance montre bien que la création de liens chez les seniors passe de plus en plus par une maîtrise des nouvelles technologies, d’internet et des réseaux sociaux.
Selon une l’étude Ipsos pour l’Institut du Bien Vieillir Korian (2015), les seniors déclarent se connecter au moins une fois par semaine pour envoyer des mails (67%), pour trouver des informations sur des sujets qui les intéressent (62%), pour gérer leurs finances (44%), pour aller sur des sites et se renseigner sur leur santé (17%) ou discuter sur des forums (17%). Surfer sur internet est aussi devenu l’un de leurs plaisirs favoris (81%).
Ainsi, au risque d’en surprendre plus d’un, la France compte une génération de « boomers bohèmes », qui utilisent le numérique pour voyager, chatter avec leurs petits enfants, se retrouver à des expositions et satisfaire la large gamme de leurs envies et activités.
Beaucoup avaient entre 40 et 50 ans quand internet est apparu. Ils ont passé les 20 dernières années de leur carrière à l’utiliser ou à se familiariser avec le concept.
Des tablettes qui séduisent
Parallèlement, les supports ont considérablement évolués. Plus légers, plus ergonomiques, moins compliqués qu’il y a quelques années, ils séduisent. Selon une infographie réalisée par Share This, les tablettes attirent de plus en plus de seniors pour se connecter et aller sur les réseaux sociaux. 28% des utilisateurs de tablettes sont des seniors âgés de 56 à 65 ans, 13% des utilisateurs ont plus de 65 ans. En comparaison, les 18-25 ans ne sont que 2% à utiliser des tablettes pour partager sur les réseaux sociaux. « Les tablettes sont un outil assez intéressant, le lien est plus intuitif, plus facile, le choix du modèle plus simple à faire parce qu’à la différence des ordinateurs, il n ‘existe que 4 à 5 modèles sur le marché » note Jérôme Pigniez, fondateur de la société On Medio qui édite notamment le site internet Silvereco.fr. Une tendance que confirme cette vendeuse de la Fnac : « J’ai beaucoup de seniors qui achètent des tablettes. Ils recherchent un outil léger, ergonomique, facile à emporter avec soi. Ils ne veulent ni d’un produit « senior », ni de la dernière innovation. Ils se tournent vers quelque chose de facile à manier, dans la gamme grand public et qui ne coûte pas trop cher ».
Jacqueline, 81 ans, croisée aux hasard du rayon tablettes chez Darty, en est l’illustration. En 3 mois, elle est passée de la mamie « gâteaux » à la « silversurfeuse ». « Mes enfants m’ont offert une tablette à Noël. Je savais déjà me servir d’un ordinateur mais l’un de mes petits fils a pris le temps de m’expliquer comment cela marchait. Cela a créé une certaine complicité avec lui d’ailleurs. Depuis, je ne peux plus me passer de cette tablette. Je m’en sers pour envoyer des emails, parler sur Skype avec mes petits enfants qui habitent à l’autre bout de la France, les voir en vidéo, lire les journaux, regarder les bandes annonces de film. Ce que j’aime par-dessus tout c’est l’emmener avec moi parce que j’y ai aussi toutes les photos de ceux que j’aime.»
Georges, lui, est peintre. A 75 ans, moins mobile après deux mauvaises chutes, il a dû arrêter de trouver l’inspiration dans les voyages. Il s’est mis à Skype, Photoshop et aux réseaux sociaux. Il s’inspire des photos que lui envoient ses amis, prend en photo ses toiles, les retouche ou les recrée sur sa tablette puis les « post » via Facebook à tous ceux qui aiment son travail. Il reste connecté à ses 500 amis du monde entier. Et tous les jours, il continue de créer. Preuve qu’il n’y a pas d’âge.
C’est bien notre regard à nous qui doit évoluer.