En quête de phénomènes climatiques

Mauvais temps sur la France : risques présents et futurs : enquête publiée dans le magazine de Décisions DurablesL’actualité internationale et nationale nous alimente régulièrement de phénomènes climatiques paroxystiques à l’instar du cyclone tropical Pam qui a frappé le Vanuatu en mars dernier 2015, ravageant tout sur son passage, du typhon Haiyan aux Philippines qui fit plus de 7000 victimes, en novembre 2014. Les exemples pourraient être ainsi multipliés avec les tornades qui frappent régulièrement les Caraïbes, le Mexique, l’Amérique centrale et le Sud des Etats-Unis. La France n’est pas épargnée par des épisodes météo dévastateurs

  1. Y a-t-il une accélération des phénomènes paroxystiques?

A cette question, la réponse de Freddy Vinet, professeur à l’université Montpellier III fuse telle l’éclair un jour d’orage : « C’est en partie le fruit d’une perception ».

Vagues de chaleur et sécheresses

Le propos de Serge Planton de Météo-France est plus nuancé : « La croissance de la vulnérabilité ou de l’exposition des populations aux risques, comme par exemple du fait de l’augmentation de la démographie dans les régions côtières, ou parfois le traitement médiatique, peuvent laisser croire que certains types d’événements météorologiques ou climatiques, parmi les plus extrêmes, sont de plus en plus nombreux. »

Toutefois, l’ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts poursuit : « Certaines tendances à l’augmentation de certains types d’événement extrêmes apparaissent clairement. Les événements sur lesquels ces tendances sont les plus significatives sont les vagues de chaleur dont le nombre a augmenté depuis le milieu du XXe siècle, et les sécheresses qui occupent des zones de plus en plus étendues depuis les années 90.»

Tempêtes de 1999

Les compagnies d’assurance sont un excellent indicateur. Les tempêtes Lothar et Martin, les 26 et 27 décembre 1999, ont marqué un tournant. Luc de Lignières, directeur des Risques Dommages du groupe AXA, parlent à leur propos « d’un élément fondateur de l’appréhension du risque paroxystique. Elles ont fait 91 victimes, représenté plus de 5 millions de sinistre (matériels et corporels) pour un coût actualisé de 11,7 milliards d’euros. Elles ont montré que nous, clients, assureurs et entrepreneurs, n’étions pas prêts pour faire face à un phénomène d’une telle ampleur. »

Une sinistralité qui change

Même son de cloche chez Groupama. Pierre Lacoste, directeur Cessions en Réassurance, admet que « les assureurs avaient sous estimé l’événement d’environ 50%» et constate que « la typologie de la sinistralité change. Depuis trois à quatre ans, nous constatons peu d’événements «extrêmes», mais une multiplication des petits et moyens événements. Selon la Fédération Française des Société d’Assurances (FFSA), l’année 2014 représente une charge collective de 2,2 milliards d’euros de sinistres climatiques alors que, sur les 20 dernières années, la moyenne s’élève à 1,5 milliards. Il y a probablement un dérèglement climatique qui entraîne une sur-fréquence d’événements. En 2013 et en 2014 nous avons eu plus de charge sinistres grêle et neige que de tempêtes. »

  1. Quelle est la part du réchauffement climatique?

Confrontés à cette question, chaque expert exprime un point de vue lié à son champ de compétence.

Effectivement !

Pour Serge Planton de Météo-France : « Les effets sur les vagues de chaleur et les sécheresses étant directs, à cause de l’augmentation de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes dans le second cas, nous pouvons effectivement affirmer qu’il y a un lien pour ces phénomènes particuliers. »

Pas forcément…

« Peut-être est-ce davantage dû à l’augmentation de la vulnérabilité » s’interroge Didier Richard, directeur de recherche à l’Irstea, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. « La question de l’érosion du littoral est peut-être singulière, mais pas forcément réductible à une accélération de phénomènes paroxystiques. La mer va de toute façon continuer à monter. »

Des liens incertains

Pour Nicolas Bauduceau, directeur scientifique au Cepri, centre européen de prévention du risque d’inondation : « Si certains événements récents peu ordinaires, comme la répétition des épisodes pluvio-méditerranéens de l’automne 2014, tendent à semer des interrogations, on ne peut aujourd’hui établir de liaison claire entre le changement climatique et l’importance des phénomènes d’inondation. Les évolutions constatées sur les coûts des inondations sont, pour l’heure, principalement imputables à l’accroissement des biens exposés en zone inondables, sans adaptation massive à l’existence du risque. Les zones inondables des bords de mer ou de rivière restent en effet très attractives et l’occupation de ces espaces demeure une tendance lourde de l’aménagement du territoire français. »

  1. A quoi faut-il s’attendre?

Partons des faits.

  • Les scientifiques s’accordent sur une augmentation de la température de l’ordre de 1 à 1,5°C, selon les régions, depuis un siècle.
  • Le niveau de la mer a monté de 20 cm.
  • Les glaciers de montagne sont, dans leur grande majorité, en fort recul.

Au vu du passé récent

Les observations des spécialistes, sur les cinquante dernières années, se résument ainsi :

  • Pas de tendance sur le nombre ou l’intensité des tempêtes, malgré quelques phénomènes très violents comme les tempêtes de 1987 en Bretagne ou celles de 1999.
  • Rien de significatif en ce qui concerne les précipitations et le nombre d’événements de pluies très intenses observés, principalement en automne, en Méditerranée ou en Atlantique.
  • L’évolution de la fréquence et de l’intensité des inondations est incertaine.

  • Les fluctuations des débits des cours d’eau restent dans la marge d’incertitude liée à la qualité des mesures ou à l’évolution de la météorologie ou aux modifications anthropiques.

Projections sur le futur

Des études sont actuellement en cours pour détecter des tendances. Pour l’avenir, les prévisions débouchent sur une gradation des phénomènes en fonction du degré d’incertitude auquel elles sont associées. En résumé, on peut s’attendre à :

  • Une augmentation de la fréquence des canicules.
  • Une plus forte sécheresse estivale en zone méditerranéenne.
  • Des phénomènes orageux estivaux plus intenses dans le nord et l’ouest de la France.
  • Une diminution des vagues de froid; des hivers plus doux et plus pluvieux dans le nord de la France.
  • Une augmentation du niveau des mers, d’environ 60 à 80 cm, d’ici à la fin de ce siècle avec un risque de submersion marine.
  • Un recul des glaciers et une diminution de l’enneigement. Dans le massif alpin de la Chartreuse, vers 1300 m d’altitude, l’enneigement de plus de 1 m a diminué d’une quinzaine de jours tous les dix ans depuis une trentaine d’années.

Beaucoup d’interrogations subsistent sur l’évolution des paramètres non thermométriques. Le cumul annuel des précipitations va-t-il augmenter ou diminuer ? Où ? La répartition saisonnière des précipitations va-t-elle changer ?

  1. A-t-on les outils ?

Oui, assurément. Nous disposons d’une multitude d’organismes qui observent, analysent et étudient : Météo-France, le Schapi (service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations), le CETMEF (centre d’études techniques maritimes et fluviales), le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières), l’ONEMA (office national de l’eau et des milieux aquatiques), le SHOM (service hydrographique et océanographique de la marine), et l’IRSTEA. Tous, à des degrés divers, sont impliqués dans la prévision et la recherche.

Modéliser pour prévoir

En coordination ou en lien, ces institutions ont mis en place différents dispositifs permettant d’anticiper les principaux phénomènes susceptibles de frapper notre pays. Au-delà il s’agit aussi de prévenir les décideurs (l’Etat, les collectivités territoriales…) et d’informer le grand public. Les principaux outils sont :

  • Le réseau des Services de Prévisions des Crues (SPC)

Chargé de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l’information sur les crues, au niveau de l’État, pour les cours d’eau les plus importants, le réseau se compose :

- du Schapi, basé à Toulouse;

- de 22 SPC, services de prévisions des crues, répartis sur le territoire de la métropole continentale en fonction des bassins hydrographiques, ainsi que des cellules de veille hydrologique (CVH) en Corse et dans les DOM.

Les SPC s’appuient sur plus de 1 400 stations hydrométriques, de 570 stations pluviométriques et sur le réseau ARAMIS -24 radars hydrométéorologiques d’une portée d’environ 120 km- qui mesure en temps réel les précipitations et anticipe ainsi les événements dangereux, comme les crues éclair.

Il existe aussi des dispositifs de surveillance des cours d’eau dont l’État ne s’occupe pas au niveau des collectivités.

  • Les cartes de vigilance météo

Mises en place par Météo-France, elles constituent un outil privilégié de prévention pour le grand public face aux phénomènes météorologiques dangereux. Il est possible de prévoir quelques heures à l’avance des orages, des rafales, de fortes précipitations. Il est aussi possible de prévoir au moins 24h à l’avance l’arrivée d’une tempête ou le déclenchement d’une canicule.

  • Le projet Rhytmme

Développé par Météo-France et l’Irstea, il porte sur la prévision des risques naturels en montagne. Il s’appuie sur un réseau de radars de nouvelle génération qui fournit des mesures de précipitations, toutes les cinq minutes, à l’échelle du km2, sur une portée faible de 30‑60 km. Ce réseau permet également d’identifier la nature des précipitations : pluie, neige, grêle,… et mesurent la vitesse des vents en situation de pluie.

  • Le dispositif Vigilance Vague Submersion et le Centre national d’alerte au tsunami en Atlantique nord et en Méditerranée sont deux dispositifs d’alerte et d’avertissement en cas de submersion marine.

Urbanisation et déficiences humaines

Dans un pays comme le nôtre, les phénomènes météo violents provoquent des dégâts matériels, et parfois humains, dans des zones urbaines, dont certaines construites à des endroits à risque. Avec le changement climatique, notre pays doit s’adapter. Ce qui soulève des questions en termes d’aménagement et d’urbanisation des territoires. Dans un rapport consacré à la prévention, le Sénat explique : « La séquence est toujours la même : identification et mesure du risque, prévision de l’occurrence calamiteuse, alerte et organisation des secours, remise en état et indemnisation, prévention. ». Plus loin, il précise : « Les dysfonctionnements constatés renvoient obligatoirement à des déficiences humaines, à une insuffisance de la technique ou de moyens, à une complexité administrative ou organisationnelle, que l’avenir se chargera de corriger. La question de la pertinence de la grille de lecture n’est jamais posée. »

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