Et si, pour limiter le gâchis, on changeait l’étiquetage alimentaire?


Article publié dans Rue89

Yaourts périmés, jambon sous vide ayant dépassé la date de péremption, lentilles oubliées au fond du placard… Au moment de faire le plein de courses, les consommateurs ont souvent les yeux plus gros que le ventre !

Selon une étude de 2010 de l’Ademe, nous jetons, par personne et par an, 20 kg d’aliments, dont 7 encore emballés. La confusion entre les mentions « à consommer de préférence avant le » et « à consommer avant le » serait en partie responsable de ce gâchis : pourquoi ne pas simplifier l’étiquetage ?

L’idée

Célibataire, rencontrée au hasard des allées d’une supérette parisienne, Séverine, 35 ans, avoue :

« J’oublie souvent des choses dans mon réfrigérateur ou mes placards et après, je me sens obligée de m’en débarrasser. Je n’aime pas ça du tout ! »

Il est vrai qu’il n’est pas évident de distinguer la « date limite de consommation » (DLC) de la « date limite d’utilisation optimale » (DLUO). Si DLC et DLUO sont des mentions obligatoires (article R. 112-22 du code de la consommation), elles ne désignent pas les mêmes produits :

  • La date limite de consommation ou DLC, qui porte la mention « à consommer avant le… », est apposée sur les produits laitiers, viandes et poissons frais ou emballés… Ce sont des aliments périssables qui ne peuvent être consommés après DLC pour des raisons de sécurité sanitaire (risque d’intoxication alimentaire). La mise en vente et la distribution de produits, dont la DLC est dépassée, sont donc strictement interdites.
  • La date limite d’utilisation optimale ou DLUO, appelée aussi date de durabilité minimale, porte la mention « à consommer de préférence avant le… ». Elle est inscrite sur des produits peu périssables : bonbons, café, riz, légumes secs… Passée la DLUO, ces produits risquent de perdre de leur qualité (goût, texture, saveur, valeur nutritionnelle, vitamines), mais ils peuvent être mangés sans danger. D’ailleurs, à l’approche de la date limite, ils sont souvent vendus en promotion.

Aux caisses de la supérette parisienne, Sabine, mère de quatre enfants, paraît tomber des nues :

« Je ne savais même pas qu’il existait une différence entre les deux ! Jusqu’ici, je n’hésitais pas à jeter tout ce qui avait dépassé la date. »

Pour éviter le gaspillage, il importe que le consommateur n’ait plus à y regarder à deux fois : il faut donc clarifier l’étiquetage et développer des emballages intelligents.

Comment la mettre en pratique ?

Champions du gaspillage alimentaire, les Britanniques se devaient d’être les premiers à réviser l’étiquette. Au Royaume-Uni, chaque année, plus de 7 millions de tonnes de nourriture et de boisson sont gaspillées, dont 4,4 millions auraient pu être consommées, selon une étude de 2011 du Waste & Resources Action Programme (Wrap).

Pour mettre fin à la gabegie, le département britannique de l’Environnement (Defra) a lancé un guide intitulé « Guidance on the application of date labels to food », avec pour objectif d’aider les industriels (et notamment les PME) à choisir entre l’une ou l’autre des dates de péremption (« Best before » pour DLUO ou « Use by » pour DLC).

Cécile Rauzy, directrice qualité nutrition à l’Association nationale de l’Industrie alimentaire (Ania), en France, décrypte cette recommandation :

« Le département britannique de l’Environnement propose que la DLUO, essentiellement utilisée pour mieux contrôler les stocks et qui ne pose aucun problème de sécurité sanitaire, soit moins visible pour le consommateur que la DLC. Mais à aucun moment, le guide ne parle de la supprimer. Le Royaume-Uni est soumis, comme les 26 autres Etats membres, à une réglementation européenne harmonisée en matière d’étiquetage et aucun pays ne peut adopter de mesures “ nationales ” sur ce point. »

La manœuvre est habile, qui oblige la DLUO à se faire plus discrète sur le packaging. A malin, malin et demi. Charles Pernin, chargé de mission à l’association Consommation logement et cadre de Vie (CLCV), préfère un étiquetage clairement lisible :

« On pourrait avoir une étiquette de couleur rouge sur les produits périssables et une de couleur jaune, par exemple, sur les autres. On réduirait le gâchis, non pas en supprimant les dates, mais en faisant un effort pédagogique et informatif. »

Pour cela, il existe aujourd’hui des étiquettes intelligentes qui donnent une information simple et claire de l’état du produit et du respect de la chaîne du froid, grâce à une encre thermocromique (qui varie en fonction du temps et de la température). Les étiquettes se présentent sous forme de petites pastilles rondes, dont le cœur change de couleur en fonction de la qualité de fraîcheur du produit.

En Irlande, l’université de Dublin (DCU) a mis au point un emballage qui « renifle » l’odeur du poisson et des fruits de mer, afin de repérer leur état de décomposition. Il change de couleur lorsque la pêche n’est plus très fraîche…

Mieux encore, les emballages intelligents peuvent être actifs. Ils interagissent alors sur le produit : en Angleterre, la chaîne Marks and Spencer commercialise les fraises dans des barquettes dotées d’une bande d’argile et de divers minéraux qui absorbe l’éthylène, hormone végétale intervenant dans la maturation des fruits. Le conditionnement permet de conserver les fraises deux jours de plus au réfrigérateur. « Strawberry fields » forever…

Ce qu’il reste à faire

La Commission européenne et le Conseil européen ont décidé de faire de 2013 l’« année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire », avec comme objectifs de le réduire de moitié d’ici 2025.

Soulignant le fait que 18% des citoyens européens ne comprennent pas correctement la mention « à consommer de préférence avant », l’idée de mettre en place des cours d’éducation alimentaire (comment stocker, cuisiner et jeter les aliments) à tous les niveaux de l’enseignement, a été évoquée.

Sans attendre, il est possible d’agir en suivant des règles de bon sens :

  • faire une liste, n’acheter que ce qui est nécessaire ;
  • ranger la nourriture en fonction des dates de péremption ;
  • accommoder les restes peut également se révéler très économique, lorsque l’on sait qu’ils représentent en moyenne 13 kg par an et par personne de produits gaspillés (Ademe, 2010).
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